De l’oubli de soi.

Jim Delarge prend un malin plaisir à nous déconcerter en se renouvelant sans cesse. De son va et vient entre abstraction et figuration, ressort cette volonté d’hétérogénéité, et dans la facture, et d’une oeuvre à l’autre.

Ainsi quand il produit ce qui renvoie traditionnellement à une série, celle-ci n’en est pas vraiment une, puisque hapax, glissements et accidents sont venus déstabiliser le système. Mutations et revitalisations ont tout naturellement opéré.

De sa soupe primordiale, il a extrait des demi-êtres, ce qu’il nomme ses xénomorphes, des formes de vie incongrues, saugrenues, comme issues d’une exoplanète fantasmée où l’asymétrie serait de règle, des chimères certes non viables sur Terre, véritables impossibilités mi-humaines, mi-animales, mi-végétales, mi paysagères, où membres et arborescences renverraient tour à tour à la tératologie, au cartoon ou à la prospective et ne se donneraient plus à voir qu’en tant qu’hypothèses opérantes.

Mais tout ce qui transparaît va être situé dans un non-temps – jamais un contexte n’est apparent – et Delarge réussit à obtenir une hybridation qui tienne en entretenant une gêne dans la frontalité, en suscitant quelque chose de singulièrement vivant, nous prenant à témoin, comme si une forme d’impossibilité pouvait nous interroger sur son propre degré d’existence et sur le statut même de ses métamorphoses. Une gageure par excellence.

On a, à la fois, cette affirmation stylistique extrêmement particulière et cette tentative de déstabilisation.

Jim Delarge se livre à sa fantaisie, à ses bizarreries automatiques dans sa pulsion à aller se creuser l’inconscient et met de fait en équation nombre de forces antagonistes qui vont produire des dynamiques à tous les niveaux.

En ayant vu qu’il y a de quoi interpréter, de quoi lire, ou de quoi se perdre en conjectures (tentez de vous pencher sur le non-sens de ses titres), on va s’apercevoir qu’il y a beaucoup de messages latents qui sont posés là, beaucoup d’images subliminales, des failles, des saillies, qui vont encourager l’imagination à créer des effets de sens inédits.
Ici, rien n’est explicite, on l’aura compris, mais tout est scandé. Rien ne sera donné tel quel. Tout sera réécrit mais dans une langue qui se parle peu.

Yves Tenret

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